Chant du silence

Chants | Matthieu Rialland | 14 août 2003

Les sages, les poètes, les philosophes, je les ai enfermés dans ma plus haute tour. De là-haut, ils voient du pays, mais plus personne n'entend leurs cris.

C'est assez ! Qu'on les ignore et qu'on les méprise, les illusionnistes, qu'on les brime, qu'on leur coupe la langue !

Maintenant je suis seul. Mes gardes sont silencieux. Je n'ai pas besoin de ministres. Aucun bavard, plus jamais aucun bavard ! J'ai assez du discours enflammé que me tient mon âme à toute heure...

Je les ai enfermés et je n'en suis pas fier. Quand ils redescendront parmi nous, ils en voudront à ma couronne, ils briseront mon sceptre, ils me pendront peut-être. Mais je peux les faire tuer bien avant qu'il soit temps - et cela me rassure. Ils ne se tairont jamais, je le sais. Mais que savent-ils, eux, de comment je vais les faire taire ?

Qu'ils se taisent ! Ou qu'ils parlent ailleurs qu'à mes oreilles. J'ai besoin de repos... Ils m'auraient rendu fou, sans hésiter : on ne cloue pas le bec du poète, on n'en impose pas au philosophe, et le sage parle rien qu'avec les yeux...

Qu'on leur couse les lèvres !

Qu'on leur coupe la langue !

Qu'on leur brûle les yeux !

Moi, je n'attends que le silence pour vivre.