Du sang et des larmes

Chants | Matthieu Rialland | 8 février 2004

Les arbres se penchent et murmurent. Au-dessus du chemin, la nouvelle de notre arrivée court plus vite qu’un cheval au galop. Mais au bout du chemin, il n’y a personne pour l’entendre, personne pour écouter les arbres.

Nous voici. Quand ils nous voient déboucher du chemin, les villageois sont pris de terreur, après un moment de stupeur. Ils se demandent d’où nous venons. Ils ne se demandent pas ce que nous voulons. Ils le savent. Nous voulons du sang et des larmes. Nous voulons brûler et piller. Nous ne sommes là que pour ça.

Alors nous nous jetons sur eux, sur leurs maisons, sur leurs femmes et leurs enfants. Certains, certaines résistent, et meurent. D’autres tombent à genoux, demandent merci en pleurant, et meurent. Rares sont ceux qui, restant immobiles et les bras ballants, méritent notre clémence. Ceux-là ne mourront pas. Ceux-là porteront la nouvelle du massacre dans tout le pays. Ceux-là sont ceux que nous avons choisis pour préparer l’avenir.

Bientôt, nous aurons assez massacré, assez brûlé pour que tous nous craignent. Bientôt, il ne sera plus nécessaire de piller, ils nous offrirons leurs richesses, tout ce qu’ils ont, en échange de leur vie. Plus de combats, plus d’armes : nos vêtements et nos casques d’airain seront assez convaincants pour nous dispenser de dégainer. Nous régnerons.

Mais pour l’instant, tuons et ravageons. Il faut encore faire peur, encore les convaincre d’avoir peur, les persuader jusque dans leur fibre : nous ne leur promettons que du malheur, qu’ils en soient sûrs.

Les arbres témoigneront aussi du massacre. Mais plus personne ne les écoute. Plus personne ne cherche à les comprendre.

Les arbres ne murmurent que pour les arbres. Et pour nous.