Chants | Matthieu Rialland | 28 septembre 2004
L’écume d’un songe : ces longs cheveux noirs, qui coulaient comme de l’eau et comme un poison, qui coulaient sur sa robe blanche, sur ses épaules dorées, qui me cachaient sa nuque et souvent son visage. Ces cheveux saisis par mon poing, ma main sur l’oreiller, l’autre pinçant sa hanche, nos nuits, nos jours et nos mots d’amour.
Ne demeure bientôt plus que l’écume du songe.
S’allonge chaque fois la chevelure. S’allonge et noircit encore. L’écume noire du songe… Le poison. La suie. La cendre.
Ne demeure bientôt plus que la poussière. Mon poing, ma main, mes nuits, mes jours et mes mots d’amour. Ma poussière. Mes songes.
Toutes elles auront cette chevelure, ces épaules dorées. Toutes elles cacheront son visage, toujours. Toutes elles me cacheront, et mon poing, et ma main, et elles auront un respect masqué pour ma cendre et mes songes.
Toutes ces hanches, toutes ces chevelures ! La vague de mes songes, allongée dans la vase et sans fin refluant, ne laisse que l’écume atteindre au sable blond. Et balaie la poussière.
Dans cinquante ans d’ici, ces cheveux noirs qui coulaient comme de l’eau, ils seront blancs d’écume, et moi je songerai à quelque boucle blonde au fond de ma nuit noire.
Bientôt c’est de poussière qu’aura vécu le lierre. S’allonge et enlace plus étroitement le songe. L’écume verte du songe… La vie. Le temps. La mort.
Ne demeure bientôt plus que l’écume du songe.
Nos mots d’amour, nos jours, nos nuits, sa hanche…