Mon papa et moi (et tout ça) | Olivier Entraigues | 5 juillet 2009
Papa, comment ça se fait que le soleil, le matin, il se met en petits morceaux pour passer à travers les volets ?
Ah. De la physique, maintenant… Je préférais les ogres.
Quoi ? Qu’est-ce que tu dis ?
Rien, rien.
Tu parles pas assez fort, Papa. On entend rien.
C’était rien, je te dis.
Et le soleil ? Alors ?
Ecoute, ma chérie : ces taches de soleil sur le mur, ce ne sont pas des morceaux du soleil. C’est la lumière du soleil.
N’importe quoi ! Madame Gourgaud, elle a dit que le soleil, il est tout le temps allumé, même si on le voit pas. C’est pas une lampe avec une ampoule, sinon depuis le temps elle aurait pété. Même en basse tension.
Elle a dit « pété », madame Gourgaud ?
Non. C’est moi que je l’ai dit.
Bon.
Alors ?
Alors quoi ? Je suis d’accord avec madame Gourgaud. Elle sait plein de choses, ta maîtresse, et même sûrement plus que moi.
Sur tout ?
Peut-être pas sur tout, mais sur presque tout.
D’accord…
Qu’est-ce que tu écris, là ?
Les morceaux du soleil. C’est ça que j’ai écrit.
Pourquoi ?
Parce que, si maintenant tu parles de madame Gourgaud, tu te souviendras plus de quoi on parlait au début. Alors, comme c’est écrit, je te rappellerai.
Bonne idée.
Tu me dis, pour le soleil ?
C’était quoi, la question ?
C’était les morceaux du soleil qui passent à travers les volets. Comment ça se fait, vu que le soleil, il est très gros et puis très chaud ? Les volets, ils devraient être tout brûlés. Et puis la maison aussi, si ça se trouve.
Mais non, ne t’inquiète pas.
Je m’inquiète pas, je me pose des questions.
Tu me les poses, à moi.
Seulement celles que tu peux répondre.
Ah. Et les autres ?
Ça dépend…
Ça dépend de quoi ?
Ben… Il y a celles que je peux répondre toute seule. Et puis celles que toi non plus, tu peux pas répondre.
Ah ouais ?
Oui.
Tu as un exemple ?
Comment elle marche, la machine à laver.
Bah ! Je le sais, comment marche une machine à laver.
Nan.
Si. Pourquoi dis-tu ça ?
C’est Maman. Elle dit que son mari, il sait pas à quoi ça ressemble, une machine à laver. Alors, comme son mari, c’est toi…
Ah… Tu sais, parfois, les grands disent des choses qu’ils ne pensent pas, juste pour plaisanter.
Ah bon. Et Maman, elle plaisante même si elle a l’air pas contente du tout du tout du tout ?
Euh… Tu sais, les petites filles de sept ans ne peuvent pas tout comprendre.
Sauf que moi, je sais quand Maman ou toi, vous êtes pas contents.
Ah oui ?
Oui. Par exemple, maintenant, c’est toi qui es pas content.
Ce n’est rien, ma poulette. Tu sais où est ta mère ?
Elle a dit qu’elle doit faire un truc drôlement trop compliqué pour les papas. Avec le panier de linge sale.
Je vois.
Mais… Papa, tu m’as pas répondu sur les morceaux du soleil !
Je reviens, ma chérie. Je reviens tout de suite…