Chants | Matthieu Rialland | 26 octobre 2003
Licornes et dragons… Fières chimères !
Que les monstres d’antan surgissent des tiroirs. Qu’ils nous fassent enfin ravaler nos ardeurs. Qu’ils ravagent, qu’ils pillent les odieux trésors accumulés secrets au fond de nos âmes factices… Ne resteront de nos plus beaux discours qu’une ombre décharnée, qu’un oiseau de malheur aux ailes chargées d’or.
Aurons-nous le courage de reconstruire nos coeurs incendiés ? Il nous faudra quérir un monstre heureux, un oiseau dont les ailes, noires comme jet d’encre, balaieront puissamment cendres et décombres, remords et regrets. Aurons-nous le bonheur d’en oublier nos ruines ?
Mauves les ombres anciennes, éperdues de puissance, ivres perdues de leur ancien pouvoir. Mauves, rouges, blanches et finalement noires, les sirènes, les gorgones, les succubes.
Qui demeure et réclame sa part des anciennes angoisses ? Ces joies obscures, qui s’en délecte ?
Chromés les tentacules, la cuirasse et les cornes du divin présent. Chromés, dorés, platinés les anges de la machine, les gardiens du réseau, le progrès lui-même et ses ultras.
Aurons-nous le courage d’incendier nos propres édifices ? Il nous faudra rallier des monstres endormis, des bêtes dont les griffes, les ailes et les dents, lumineux souvenirs aux effluves sacrés, ironiques et grinçants souffleront sur les braises. Aurons-nous la sagesse d’honorer nos sauveurs ?
Que les monstres d’antan surgissent des tiroirs… Licornes et dragons sont de fières chimères. Nourrissons-nous enfin d’une mémoire agile, d’une image du monde où la mort et le sang ne se cachent pas derrière de plus doux noms, n’en finissent jamais par déprécier la vie. Un mot, un monde, un homme – les temps qui nous attendent ont besoin des excès, des cruautés ultimes, des ombres de la vie et des joies qu’elle nous offre.