Pas mieux

Interludes | Emmer | 10 février 2025

Demain, c'était hier. Le temps n'attend pas.

C'était mieux avant. La phrase emblématique du vieux con nostalgique. Tant de regrets. Tant de bons souvenirs. Tant de mal à accepter de vieillir.

Mais non, ce n'était pas mieux avant. C'est juste que tu étais jeune. Ça change tout. Tant de mal à se regarder dans la glace.

Ce n'était pas mieux, c'était différent. Plus facile de s'asseoir et de rester tranquille, quand on connaît les règles, quand on a grandi avec elles. Quand elles changent sans cesse, c'est une autre histoire. Tant de mal à comprendre comment ça marche maintenant.

C'est différent à présent, mais pas mieux non plus. Ce n'est pas parce qu'on vieillit qu'on en devient idiot. Sûrement pas. La peur de la bombe et des Russes, c'était déjà pas mal. Celle d'un monde devenu invivable, c'est la classe au-dessus. Tant de mal à garder les yeux ouverts.

Certains décident de les fermer. Quand on t'a ligoté et abandonné sur les rails, tu n'as pas trop envie de regarder le train arriver. Ça se comprend. Ce qui se comprend moins, c'est rester allongé quand on a dans les mains de quoi couper ses liens. Pas sûr qu'on y arrive, mais ça vaut le coup d'essayer. Tant de mal à braver la peur.

Nier l'évidence et jouer les idiots. Pas de liens pour ceux-là, pas de couteau pour s'en libérer. Les convictions sont de meilleures entraves que des chaînes du plus bel acier. Tant de mal à penser par soi-même.

Ça n'arrivera pas aujourd'hui. Ni demain, sans doute. Ça n'arrivera peut-être pas avant qu'on soit morts toi et moi. Comment veux-tu que ça marche ? Personne ne craint ce qui ne peut pas le toucher. Personne ne craint ce qu'il ignore.

Le temps doit faire son oeuvre. Ouragans. Incendies. Inondations. Les douze plaies d'Egypte, plus quelques nouveautés. Déchets nucléaires. Continents de plastique. Perturbateurs endocriniens. Médiocrité artificielle.

C'est juste qu'on était mieux, avant. Innocents de nos crimes.

Dont les victimes apparaissent maintenant.