Chants | Matthieu Rialland | 3 octobre 2004
J’ai cheminé sur la longue route des dragons, des elfes, des fées – je n’y ai croisé aucun homme. Des chevaux ailés m’ont ignoré, battant des ailes au fond d’une prairie, faisant l’amour. Une licorne de cristal m’a dit comment le monstre en moi me changerait en loup.
J’ai vu la guerre qu’ils se livraient, les dragons, les elfes, les fées et toutes ces merveilles incréées, de quels moyens abjects ils usaient pour enfin triompher – mais personne n’a jamais vaincu personne de la sorte.
J’ai connu les fers de l’esclave, la mine de sel, les maux et les fièvres de ceux qu’on écrase – mais ils ont fait en sorte de me laisser la vie.
Ils m’ont donné cette plume, cette encre, ces feuillets, puis ils m’ont protégé du regard de mes gardes. J’ai découvert le monde, encore un peu plus grand – ils m’ont donné cette plume !
J’ai poursuivi ma route et connu bien des mondes. Quand je croisais un homme, il avait les yeux fous, c’était un monstre à deux têtes qui disait à la fois oui et non, c’était une voile de soie sans chair ni squelette – l’un d’eux m’a dit qu’il savait, que je n’existais pas.
Et dans ma chevelure, tombaient des gouttes d’ambroisie, des étincelles. Dragons, elfes et fées avaient peu à peu fait de moi un autre homme – suis-je un homme ou un rêve, un rêve de dragon ?