Un maillon à la fois

Chants | Matthieu Rialland | 5 janvier 2025

Tu dis que je ne suis pas celui que je crois. Tu dis que tu me vois. Tu dis que je n'ai qu'à ouvrir les yeux pour voir moi aussi.

Mais j'ai les yeux ouverts, ma belle. Et je ne vois rien qu'un homme aux vertus dérisoires et aux désirs masqués. Je ne vois rien qu'un homme éperdu de faiblesse et d'amertume. Je ne vois que moi.

Tu dis que je m'aveugle à vouloir tout comprendre, et que ma lutte est vaine, tant le monde est vaste et ses mystères profonds.

Mais ce ne sont pas les secrets du monde, que je cherche à percer. Ce sont mes propres ombres, qui consument mes forces. Ce sont les démons qui s'y cachent, que je veux démasquer. La cendre et la poussière me troublent la vue, me piquent les yeux, m'irritent les poumons, mais le temps joue pour moi. Tôt ou tard, ici ou ailleurs, j'en viendrai à bout.

Et tu dis que le temps ne change rien à l'affaire, que c'est le monde en moi qui manque de lumière, car je n'y laisse entrer que de sombres émois.

Pourtant, je vois et je regarde la lumière du soleil et celle de la lune. Pourtant, quand ma quête me laisse un peu de répit, je me nourris des rires et des chants des enfants, du courage des femmes et de la force des hommes. Mais bientôt il me faut reprendre le chemin de l'abîme, et c'est un chemin qu'on ne peut emprunter que seul.

Tu dis qu'une autre route mène vers la lumière. Tu dis que cette voie pourrait être la mienne si je le décidais.

Mais je n'ai d'autre choix que de lutter encore. Sinon, ils me tueront, ceux-là qui déjà me dévorent vivant, me renient et m'enchaînent un maillon à la fois, un maillon pour chaque jour, un maillon pour chaque instant de faiblesse.

Tu dis que tu vas me montrer.

Mais je ne puis prendre ta main. Les miennes ne sont plus que griffes.